DE L’AUTRE CÔTÉ
Mon cœur ouvert de toutes parts
Et l’effroi du jour que je pleure
D’un mal sans fin mourant trop tard
( Joë Bousquet ,La Connaissance du soir)
Au fond c’est sûr
j’écris pour raconter ma vie
mes vacances dans le Sud
et toutes mes guerres quotidiennes
Je suis de la communauté humaine
je suis de l’humanité entière
je suis de la planète terre
et de la terre des hommes
Je suis cet être limité
qui a poussé hors cadre
dans la jungle des villes
*
De l’autre côté de la rue
Il y a
un petit immeuble gris
de seulement trois étages
dans lequel loge au grenier
une jolie femme de trente-cinq ans
Yvette Boyer
métisse à la peau brune et aux yeux clairs
Yvette (au doux prénom ancien)
a découvert il y a quelques temps
par hasard
l’un de mes recueils de poèmes
Neptune Mambo
*
Un ami le lui avait offert
Le jour de son anniversaire
Yvette qui certes ne lit pas beaucoup
a été saisie par le trouble
Elle a été touchée
par la sincérité et la simplicité
de mon chant de ma voix
*
Yvette m’a donc
à son tour
écrit
et m’a envoyé une lettre
assez pleine d’émotions
une lettre chargée de poésie
ce qui mon cœur a renversé foudroyé
ce qui a chamboulé ma nuit
Depuis avec Yvette
nous nous retrouvons constamment
pour parler de la pluie et du beau temps
pour commercer sereinement
*
De l’autre côté de la rue
il y a un arrêt de bus un bureau
de tabac un kiosque
à journaux
où j’ai souvent acheté
Le Monde Libération L’Humanité
& Philosophie Magazine
Il y a encore une fleuriste
qui ne vend pas que des fleurs
mais des tas d’objets originaux
boîtes à musique chevaux de bois
& marionnettes démodées
*
De l’autre côté de la rue
il y a ce vieux bouquiniste
qui écoute The Pogues
à longueur de journée
C’est chez lui
que je me suis procuré
après l’avoir perdu
à plusieurs reprises
le fameux livre de Joë Bousquet
La connaissance du soir
*
De l’autre côté de la rue
il y a
derrière le mur
un jardin
J’y ai vu des gens s’embrasser
des tas de couples s’enlacer
*
De l’autre côté il y a l’amour il y a le rêve
il y a tous les rêves de l’amour
et il y a le grand amour du rêve
de l’autre côté il y a aussi
la gueule de bois les petits matins d’automne
et quelques soleils consommés
*
L’homme n’a nul besoin
de toujours partager
trésors et chagrins
il porte en lui l’humanité
Vénissieux, le dimanche 19 Juin 2016
Thierry RENARD, La nuit est injuste,
la rumeur libre éditions, 2018, p.155-158
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